OUVRIR LES YEUX

« En France, on laisse en repos ceux qui mettent le feu, et on persécute ceux qui sonnent le tocsin. » Chamfort

jeudi 8 mai 2008

Fable attribuée à un dixiple de François Villon

Fable
(Attribuée à un disciple de François Villon)


(En vers libres car traduite par Modérato du vieux français)

Toutes ressemblances avec des personnages existant ou ayant existé seraient purement fortuites et involontaires de la part de l’auteur, hélas, défunt.



Maître Figue

I

Maître Figue, musicien à ses heures,
Triste arrogant de jouer sans auditeur,
Trouva sur son chemin un second prétentieux
Pour lamenter sa vie dans Carpentras le pieu.
L’un n’avait Foi qu’en sa trompette molle
Et l’autre le flattait, le sucrant de paroles
Pour tenter plus tard l’homme et son instrument
Au prosélyte dessein d’en faire un gouvernant.
N’apportant que la gloire aux êtres doués d’esprits
Les notes s’essoufflèrent dans le brai de l’ennui.
Il fallait vivre encore, nourrir la double panse,
Trouver d’autres lambins pour sceller leur alliance,
Quand l’élection future du bourgmestre des lieux
Fut clamée dans les rues de Carpentras le pieu.
Notre malin second, avide de pouvoir,
N’eut aucun embarras à convertir des couards,
Tout comme Maître Figue, à son camp confessé.
Versés, nos deux désenchantés s’enquirent de faire
De la dite politique leur unique affaire.

II

Sous le mistral hâbleur de notre Comtat voilé,
La trompette reprit sa plainte tempérée,
Rompue cette fois aux accents narcotiques
Que nos citadins prirent, hélas, pour un rondeau d’éthique !
Une division ruina leurs sérieux adversaires
Qu’un nouveau traître ami, potard venu du Caire,
Avait manigancé pour garder ses acquis.
Maître Figue gagna, et son premier ami
Devint l’édile second dans la belle capitale.
« Adieu, cité chérie que je rêvais vestale,
Ta ramée de parfums sur les flancs du Ventoux
Juste fleur de raisins que je goûte à genoux
Pour prier en ton nom n’est plus qu’une pensée
Qui respire d’amour dans mes songes blessés. »
Un troubadour meurtri composa ses paroles
Quand nos deux argousins devenus chefs des Pôles
S’enquirent dans l’instant de leurs premiers méfaits.
Ils avaient en têtes de tout changer d’un trait.

III

La précipitation, partout, les fit s’immiscer
Dans les associations jusqu’alors bien gérées
Par de bons contadins de familles illustres.
Quels dégâts nos élus ne firent, jeux de rustres,
Quand le plus singulier, révision personnelle,
Fut l’abolition dans notre ville sans grêle,
De cette fête nationale : « La Journée de la Fraise » !
Disparue ! D’explications : nenni. Outre le malaise
Des friands de ce fruit, touristes et voisins de carême
Toutefois oublié pour la cause et nous-mêmes,
Aucun ne comprit que le jour attendu
S’effaça telle vapeur dans l’invisible fût.
On dépêcha des passionnés, des avisés, des émissaires
Pour discuter de la chose dans les plus hautes sphères :
Rien n’y fit. Maître Figue et son conseiller fidèle
N’avaient aucun goût pour ce fruit qu'ils estimaient trop fiel.

IV

Etrange ! L’avaient-ils savouré ? L’avaient-ils au moins un seule fois
Comparé au plus noble bonbon que dégustaient les rois
Jadis, dans notre capitale ? Le berlingot,
Pour le nommer, n’est-il pas de sa forme en grelot
L’enfant de cette fraise, pour tout français de France
Le joyau des papilles qui réveille leur enfance,
Et sur la carte apprise le point de notre cité ?
Non. Ils ne voulaient plus de ce jour par principe, par idée
D’une gestion d’insouciantes valeurs
Quand nos murs n’avaient pas vécu plus grand malheur
Depuis la peste qui tua les pauvres et les nantis.
On bannit la fraise. Le berlingot devint l’ennemi.
La truffe perdit son rang et le vin se fit rare.
On compara la ville à un repaire Tartares.


V

D’aucun ne s’arrêtait. Les maisons se vendirent
Au prix de la jachère pour éviter le pire.
Ainsi nos deux compères, avides de substituer
Promulguèrent figues et dattes pour tous les nouveaux-nés.
Ce fut un vrai désastre. Que dis-je,
Ils auraient même voulu brûler le Félibrige
Qu’ils se seraient vantés de leurs abscons méfaits.
A trop vouloir garder la fraise sans la forêt,
La ville avait choisi le camp de l'adversaire.
Que dit le sot qui ne sait pas se taire ?
Divisés, aveuglés, trompés par leur adage*,
Les bons carpentrassiens subirent les présages
De Maître Figue et d’un second daté.
La fraise et le berlingot eurent six ans pour être digérés.
Quant à la truffe noire, contadine glorieuse de nos mets
Dans le monde avisé des plus savants gourmets,
Ils n’eurent jamais le nez pour trouver sous nos chênes
Ce météore enfoui dans son écrin d’ébène.





Moralité :
« Qui délaisse la bonne moitié perd tout en entier. »


* Adage de Carpentras :
« Mieux vaut tout que la moitié. »

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Trop brillant pour qu'un des intellos de gauche type citoyen puisse faire de même.

Anonyme a dit…

cet homme n'est il pas prof, philosophe,? en attendant il ecrit bien, il pourait faire une mise en scène, et il pourrait aussi demander à Francis, pardon à MR LE maire, qui ayant étè producteur de spéctacle devrait le subventionner et ensuite à Carmentran on brulerait maitre figue! lui quiveut de l'animation ce serait rigolo! et il y aurait beaucoup de monde

Anonyme a dit…

quelle bonne idée! en attendant c'est un délice!

Anonyme a dit…

je ne peux m'empecher de revenir à ce texte délicieux pour passer un bon moment.
merci moderato!!